Trop fort, le peuple suisse ? René Rhinow et René Levy, professeurs émérites de Bâle et Lausanne, disent des choses troublantes. En gros : le succès d’initiatives combattues par le Conseil fédéral et le Parlement témoigne d’une influence accrue du peuple. Du coup, le pouvoir d’autres institutions en souffre. Pire ! La signification des élections – comme celles de 2015 – en serait affaiblie. Est-ce bien ?
Ecoutez René Levy (« Le Temps » du 15 mai). La Berne fédérale perd de son influence. Le peuple y a sa part. Mais attention ! Le succès de certaines initiatives se fait au détriment de gens sans défense. S’y ajoutent les progrès de l’individualisme, l’économie globalisée, l’affaiblissement des salariés. Ecoutez René Rhinow (« Neue Zürcher Zeitung » du 13 mai). La majorité, s’interroge l’ancien Conseiller aux Etats radical, a-t-elle toujours raison ? Lui place de grands principes – libertés fondamentale d’abord – en-dessus. Il en va de même de textes-clés de droit international – comme dans la Convention européenne des droits de l’homme. D’ailleurs, la majorité peut renverser ses propres décisions. Alors ?
C’est vrai : l’acceptation d’initiatives fait souci. On y trouve celles de l’UDC contre les minarets, les étrangers criminels ou l’immigration de masse. Mais on y voit aussi celles d’Anita Chaaban (internement à vie de criminels) ou Christine Bussat (contre la pédophilie). Leur dureté bouscule des principes de base. Au XIXe siècle, dans le sillage du « Sonderbund » ou du « Kulturkampf », des articles d’exception – contre les jésuites, les couvents, les évêchés – suscitent des doutes de type voisin. On finit par les biffer. Mais il faudra s’accrocher.