Un Conseiller fédéral peut-il être binational ? Le Tessinois Ignazio Cassis, Italo-Suisse, lâche sans attendre sa nationalité italienne. Le Genevois Pierre Maudet, Franco-Suisse, n’abandonnera sa nationalité française qu’en cas d’élection et après entretien avec ses collègues. Normal ? En politique internationale, la Suisse italienne – influentes UDC et Lega – est plus méfiante que la Suisse romande. Mais, pour les 116 premiers Conseillers fédéraux, ce dilemme est une rareté.
Voyez Emil Frey – 1838-1922, Conseiller fédéral 1890-1897. Ce radical de Bâle-Campagne possède la double nationalité suisse et américaine. Militaire, il participe dans le camp nordiste à la Guerre de Sécession (1861-1865). Revenu en Suisse, il mène une carrière de journaliste très en vue. Puis, en 1882, Emil Frey devient le premier envoyé spécial à Washington. Son parcours américain, apparemment, ne le pénalise pas. Il travaille d’ailleurs à une meilleure dotation de la mission suisse de Washington. Les Etats-Unis, puissance planétaire, sont en devenir. Leurs redoutables pressions sur la Suisse – fiscalité, secret bancaire, etc – viendront après.
Prenez Guillaume-Henri Dufour – 1787-1875, général 1847-1859. Lui est tour à tour Badois (il est né à Constance), Genevois, Français et Suisse. Cette multiplicité ne freine pas, en Suisse, une carrière inouïe. Quatre fois commandant de l’armée fédérale, Dufour gagne la guerre du « Sonderbund » tout en ménageant les vaincus. Il joue de sa relation avec Napoléon III pour amortir le choc Suisse-Prusse sur Neuchâtel. Dufour sera encore ingénieur, cartographe, co-fondateur de la Croix-Rouge, l’un des pères du drapeau suisse. Qui dit mieux ?